Un parasite mangeur de chair arrive en Amérique du Nord

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Le Leishmania est un parasite mangeur de chair qui infecte des millions de personnes chaque année dans 98 pays et territoires – mais il n’est pas indigène au Canada et aux États-Unis. Comment se fait-il que les vétérinaires commencent à en signaler la présence si loin de son climat chaud naturel ?


La leishmaniose — une infection parasitaire qui provoque des plaies cutanées — a été découverte chez des fox-hounds en Amérique du Nord. Shutterstock

Victoria Wagner, Université de Montréal; Christopher Fernandez-Prada, Université de Montréal et Martin Olivier, Université McGill

Le Leishmania est un parasite microscopique transmis par les piqûres de phlébotomes et qui provoque une maladie appelée leishmaniose, qui peut affecter la peau, les muqueuses et les organes internes. Certaines formes de la maladie entraînent une défiguration sévère, d’autres, la mort.

La leishmaniose est classée par l’Organisation mondiale de la santé comme une maladie tropicale négligée qui touche principalement les habitants des régions tropicales et subtropicales et, plus particulièrement, les populations qui n’ont pas accès à un logement et à des services d’assainissement adéquats.

Il s’agit d’une maladie zoonotique, ce qui signifie qu’elle se transmet des animaux aux humains ; les chiens sont le réservoir de ce parasite.

Les phlébotomes infectés transmettent le Leishmania lorsqu’ils se nourrissent de sang. OMS/S. Stammers

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Une menace au Canada ?

Des vétérinaires ont détecté récemment le Leishmania chez des chiens importés aux États-Unis et au Canada : on en a trouvé dans dix-huit États et deux provinces. Notre laboratoire a reçu des rapports d’au moins dix cas au Québec en l’espace d’un an. Peu de temps après, nous y avons été nous-mêmes confrontés : un chien importé avec ce qui ressemblait à des « blessures de combat » a reçu ensuite un diagnostic de leishmaniose.

Il est de plus en plus fréquent que les propriétaires de chiens voyagent avec leur animal ou qu’on importe des animaux. La réglementation relative à l’importation d’animaux de compagnie au Canada est laxiste : en général, les seules exigences sont la preuve de vaccination contre la rage et un certificat d’un vétérinaire déclarant que l’animal semble en bonne santé. De plus, comme de nombreux tests et traitements diagnostiques des maladies exotiques (dont la leishmaniose) sont peu connus ou inaccessibles au Canada, le diagnostic et le traitement y sont compliqués.

Cela met en danger la santé du patient et, en fin de compte, celle du public.

Bien que les espèces de phlébotomes porteuses du Leishmania ne se trouvent pas au Canada, des rapports indiquant que le parasite perdure chez des chiens de chasse qui vivent en chenil dans dix-huit États et deux provinces suggèrent fortement que le Leishmania peut se transmettre entre chiens : par des morsures, la reproduction ou des transfusions sanguines. En outre, il a récemment été démontré que les tiques peuvent aussi transmettre la leishmaniose.

Par conséquent, il est malheureusement possible que le Leishmania s’établisse au Canada et aux États-Unis.

La leishmaniose peut causer des défigurations sévères et des dommages aux organes internes des chiens et des humains. A. Reis and B. Mendes-Roatt, Universidade Federal de Ouro Preto, Brazil

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L’arme secrète du Leishmania

Il n’existe actuellement que peu de remèdes contre la leishmaniose et ils sont, pour la plupart, utilisés depuis des décennies. On a constaté depuis peu une augmentation de la résistance aux médicaments contre la leishmaniose et des échecs thérapeutiques. Des scientifiques, dont nous sommes, cherchent des indices pour mieux comprendre comment ces parasites survivent en présence de médicaments censés les combattre. Un certain nombre d’expériences nous ont amenés (ainsi que d’autres) à examiner la libération de vésicules extracellulaires par le Leishmania.

Les vésicules extracellulaires sont de petites particules rondes avec une membrane externe lipidique et qui sont produites par toutes les cellules vivantes, y compris le parasite Leishmania. Bien que minuscules – il faut un microscope électronique pour les voir –, elles transportent une cargaison précieuse contenant entre autres de l’ADN, des lipides et des protéines. Le contenu de ces vésicules fournit un « instantané » de leur cellule d’origine et peut être « livré » aux cellules voisines.

Vésicules extracellulaires libérées par le parasite Leishmania, vues en microscopie électronique. Fernandez-Prada Lab, 2020

Des études récentes ont montré que non seulement la taille et la forme de ces vésicules diffèrent entre les souches de Leishmania qui réagissent aux médicaments et celles qui sont pharmacorésistantes, mais que les vésicules produites par ces dernières contiennent des molécules spéciales de résistance aux médicaments.

En améliorant notre connaissance de la fonction des vésicules extracellulaires, nous pourrons mieux comprendre la manière dont la résistance aux médicaments se propage parmi les populations de Leishmania et, par le fait même, la prévenir. La recherche a également démontré que lorsqu’un phlébotome infecté pique un humain, il ne fait pas qu’injecter des parasites dans le sang, mais aussi des vésicules extracellulaires auxquelles réagit notre système immunitaire.

L’étude des vésicules extracellulaires peut fournir des informations essentielles pour la mise au point de nouvelles thérapies ou d’un vaccin contre le Leishmania.

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Des approches unifiées

Il est impératif de rendre obligatoire la déclaration des cas de leishmaniose canine par les vétérinaires, de faciliter l’accès à des tests diagnostiques rapides et fiables et à des traitements appropriés, et de revoir la réglementation relative à l’importation d’animaux.

Une approche intégrée « Une seule santé » (One Health) nécessitant la collaboration des acteurs de la santé publique, animale et environnementale est essentielle pour prévenir les cas de leishmaniose au Canada et aux États-Unis.

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Victoria Wagner, vétérinaire, M.Sc. étudiant en parasitologie moléculaire, Université de Montréal; Christopher Fernandez-Prada, professeur adjoint à l'Université de Montréal (Faculté de médecine vétérinaire); chef de laboratoire de parasitologie animale; professeur adjoint à l'Université McGill (Faculté de médecine), Université de Montréal et Martin Olivier, professeur à l'Univesité McGill, département de médecine, microbiologie and immunologie; chercheur à l'Institut de recherche ensanté de l'Université McGill et à la Chair du laboratoire pour la recherche des interactions parasite-hôte., Université McGill

La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation.